7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 16:58

Avant de quitter Signy l'Abbaye, je passe par l'église, ouverte ce matin. Ai-je prié ? Un psaume trop vite récité, par habitude. L'esprit n'y est pas. Quelques courses ensuite, dont une pommade pour les muscles et les articulations. La douleur au talon d'Achille se tient toujours en embuscade. Hier, elle m'a tenu en haleine au démarrage. Je ne voudrais pas qu'elle recommence à me jouer des tours. Petite causette avec la pharmacienne, bien sympathique. Ses conseils à propos des tendinites ne sont malheureusement guère originaux : boire beaucoup, pas excès dans les kilomètres et se reposer en cas de douleur. A vrai dire, si j'ai sollicité son avis, c'est moins pour ce qu'elle peut me dire,que pour le plaisir de la conversation. Il est 10h00 bien tapées quand je quitte finalement Signy, non sans avoir hésité quelque peu sur la route à prendre.Mon timing de randonneur vient d'en prendre un coup ! 

 

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Traversée de forêt. Pause au premier village. Un village typiquement français, si j'ose dire, construit tout en longueur, le long de la route principale. J'observe la postière qui passe de maison en maison, avec sa voiture, pour effectuer sa tournée matinale. Comme souvent, j'essaie d'imaginer sa vie. Le lien social qu'elle représente pour tant de retraités. Sa visite est sans doute pour beaucoup l'événement du jour.

 

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Plus tard, aux alentours de Wasigny, le paysage change. Les Ardennes cèdent le pas au bassin parisien. La foret se fait rare, les collines s’aplanissent, la culture remplace l’élevage. De gros tracteurs travaillent dans les champs. C'est le premier vrai changement de région. Pays de Champagne, nous voilà ! Pas de vignobles encore, ce sera pour le sud de Reims, mais des horizons qui s'ouvrent à l'infini.

 

P1010673.JPGUne confidence reçue quelques jours plus tôt d'un ancien pèlerin croisé par hasard en bord de Meuse, me revient en mémoire : « Le plus dur, ce fut la traversée de la Champagne. Des plaines immenses sans aucun repère, sans arbres... ça m'a paru vraiment très long ! » Ces horizons infinis ne me font pas peur. Au contraire ! De mes randonnées le long des côtes de la Manche, j'ai gardé des souvenirs éblouis de ces plages infinies, sans rien pour accrocher le regard. On y marche comme si chaque pas ne nous rapprochait de nulle-part. On ne se voit pas avancer et plutôt que l'abondance des sensations, c'est leur précision qui s'affine. Les détails apparaissent, la moindre variation devient un signe, le regard s'attarde. L'esprit, laissé à lui-même, s'emballe ou s'absente, selon les moments. Il ne manque pourtant pas de perceptions. Le vent, qui souffle toujours de quelque manière, le roulement de la mer, plus ou moins proche selon l'heure de la marée, la brûlure du soleil, la consistance variable du sable sous les pas, les oiseaux qui jouent avec les courants d'air, les vagues ou les dunes. Ce sont des heures pleines et heureuses dont on voudraient qu'elles durent toujours. Ici, pas de mer, mais un océan de blés en herbe, de champs à peine germés, de glaise crayeuse, en guise de sable, et qui s'accroche au soulier à la moindre pluie ! 

 

Wasigny

Mauvaise pioche. Au village où j'espérais me ravitailler, la boulangerie est fermée pour cause de vacances. Il va falloir économiser. Je prend une pause sous une belle halle en regardant jouer des enfants. Un peu plus loin, je demande à une charmante jeune femme occupée à jardiner si elle peut remplir ma gourde. Lorsqu'elle revient, la gourde pleine, elle ajoute « Et vous n'avez besoin de rien d'autre. » La politesse naturelle s'exprime plus vite que je ne voudrais : « Non, non, merci, j'ai tout ce qu'il me faut ». Et tandis que je m'éloigne, je peste en moi-même :« Mais pourquoi ne lui as-tu pas dit que

tu étais à court de pain ? » Manquerais-je de simplicité ?

 

Comment dire l'éblouissement qui me saisit peu après ? Le chemin a ici en réserve un de ces cadeaux dont il a le secret. Les haies qui le guident entre champs et pâtures sont en pleine floraison. C'est le printemps qui m'accueille et me souhaite la bienvenue. Je marche comme en apesanteur. Même l'incertitude quant au gîte du soir n'entame pas cette vague d'optimisme qui traverse tout l'après-midi. 

 

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A Hauteville, n'ayant pas trouvé le maire, j'attends patiemment le retour de la dame qui pourra m'ouvrir la salle municipale où je passerai la nuit. Quand elle arrive, Ô joie, la salle municipale destinée aux pèlerins de passage n'est autre que la salle d'honneur de la mairie. Les drapeaux français flottent fièrement au mur et le parquet usé devant la grosse table de bois qui trône au centre de la pièce témoigne des générations de mariages qui se sont célébré ici, depuis des lustres. 

 

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Mon souper est frugal. Une petite promenade digestive me fait découvrir le village. Il ne manque pas de cachet. Des hirondelles sont perchées sur un fil électrique. Encore le printemps qui me souhaite la bienvenue ! Avant dormir, je profite d'un reste de bibliothèque qui traine dans une armoire pour dévorer un vieux livre poussiéreux. Une bonne nuit en perspective m'attend, malgré le plancher en bois, un peu dur à mon goût.

 

Hauteville

 

Hirondelle

 

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