2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 01:00

La journée commence par une visite au marché matinal qui s'installe sur la place centrale de Rocroi au moment où je démarre. Et une arnaque ! Une marchande de fruits et légumes me demande, l'air de rien, un prix exorbitant pour deux oranges. J'ai déjà perdu mes réflexes de consommateur attentif. Il me faut bien cent mètres pour me rendre compte que deux euros l'orange, c'est quand même un peu beaucoup ! J'en serai quitte pour les savourer le plus lentement possible lors de mes prochaines poses !

 

P1010564.JPGCe matin, mes jambes sont en coton. J'ai l'impression de ne pas avancer. Bientôt, alors que je suis parti en premier du refuge, les deux hollandais avec qui j'ai passé la nuit me rattrapent successivement et me laissent littéralement sur place. Dur pour le moral. Qu'à cela ne tienne, une première orange va y passer ! Et petit à petit, le rythme redevient normal et la marche un plaisir. Le corps a ses raisons...

 

La route dessine bientôt de longues perspectives avant d'entrer plus avant dans la forêt. Seconde pause au bord d'un étang. Et seconde orange. Le paysage est toujours bien ardennais. Au sortir de la forêt, la route vallonnée parcourt des prairies dont l'herbe n'a pas encore pris la couleur du printemps. Au franchissement d'une rivière, surprise ! Un de mes hollandais prend sa pause. Mon rythme n'est donc pas si lent ! Un petit salut et je continue par la rue bien nommée de Jésus-Christ... ça ne s'invente pas.

 

P1010566.JPG

 

Milan noir

 

Un milan noir plane dans le ciel. L'heure de midi approche. Je m'arrête au Hameau de l’Échelle pour déjeuner. Une jolie ferme château, une belle église, malheureusement fermée. Il y a ici une atmosphère qui me séduit, un je ne sais quoi de méridional : la couleur des pierres peut-être ? Je mange, assis sur le bas-côté de la route. Un enfant joue avec son vélo. Avant de repartir, j'irai encore me ravitailler en eau au hasard d'une porte hospitalière. Le fond de l'air est doux, le village paisible et mon esprit sans inquiétude. Dans une randonnée, il y a, de loin en loin, des moments discrets et précieux comme celui-ci. Une grâce particulière. Difficile de dire exactement pourquoi. Se produit une sorte de conjonction de sentiments, d'impressions, de perceptions, qui donnent au temps une plénitude tranquille. D'autant plus forte qu'elle est inattendue. Et qui se révèle quand le départ en brise la magie. Voilà exactement pourquoi je pars et repars à chaque fois sur les chemins.

 

Hameau de l'Echelle

 

Saint Pierre au Hameau de l'Echelle

 

Hameau de l'Echelle

 

A la sortie du village, première discordance entre le descriptif du chemin et le balisage, discret certes, mais néanmoins très clair, que je suis depuis ce matin. Après une hésitation, je préfère les balises. Bien m'en prend car le chemin se révèle particulièrement agréable, qui traverse de vastes champs dont Virgile aurait pu chanter la quiétude. Au loin, en contrebas, la route et son macadam. Pas de regret. A leur jonction, deuxième surprise. Le second hollandais en pleine sieste. Un brin de causette résout le dilemme du jour. J’irai finalement jusque Signy l'Abbaye. Cela rallonge un peu l'étape, mais il est encore tôt et je me sens en forme.

 

P1010628.JPG

 

Au téléphone, la dame responsable de la chaîne d'hospitalité est ennuyée. Elle reçoit chez elle et ne peut m'héberger ce soir. Elle me promet une solution et un coup de fil pour m'en avertir. Il n'y a qu'à me laisser faire ! Cette fois, je quitte le chemin officiel pour prendre un raccourci, évident sur la carte. Chaque raccourci donne un petit coup d'adrénaline. Car si les responsables du balisage ont cru utile d'éviter cet itinéraire, c'est peut-être pour une bonne raison qui ne se voit pas sur la carte ! Mais non, le chemin est parfait et me mène vers une grosse ferme où je rejoins l'itinéraire normal. J'apprendrai plus tard, à Reims, que le chemin est impraticable par temps de pluie. Un bon point pour moi, aujourd'hui !

 

Parlant de pluie, le temps s'assombrit de plus en plus. Étonnant comme la perspective d'une averse change la tonalité de la marche, alors que quelques gouttes n'ont jamais tué personne. Comme une menace qui fait presser le pas ! Un coup de fil m'avertit qu'il n'y a pas encore de solution pour mon hébergement. La dame, toujours très gentille, me promet une dernière tentative. Je ne m'inquiète guère. Toujours la confiance, quelqu'un s'occupe de moi !

 

P1010636.JPG

La pluie qui menace finit par tomber en hallebardes juste au moment où un pont à l'entrée de Signy m'offre son abri. J'attends patiemment que l'averse s'apaise puis fait quelques courses au premier magasin rencontré. Après m'être un peu perdu dans le village, je finis par trouver la maison de ma correspondante téléphonique. Très vieille France, elle m'entretient de l'histoire du village tout en tamponnant mon credencial. Puis elle m'indique la salle de sport qui me servira de gîte pour la nuit. La concierge m'accueille chaleureusement et me montre la disposition des lieux avant de m'en donner la clé.

 

Premier logement un peu exotique mais l'essentiel est d'avoir un toit. Il y a d'ailleurs tables, chaises, évier et chauffage. Que demande le peuple ? Un dîner frugal et me voilà déjà plongé au fond de mon sac. Le sol sera dur, cette nuit, mais cet abri me plaît. Un rien et je me sens à la maison Chaque jour un lieu différent, et chaque jour chez soi ! C'est ça aussi la magie de la randonnée.

Partager cet article
Repost0

commentaires