29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 14:47

 

Charmoye5Devant les grilles du château de la Charmoye, je songe un instant à ce qu'aurait pu être ma nuit en ces murs. Le châtelain est une connaissance d'un des pères de la communauté de Reims et j'aurais pu y demander l'hospitalité. La longueur des étapes en aura décidé autrement. A présent, je suis devant un choix cornélien. Suivre le descriptif reçu à Reims et sortir de la carte, ou rester sur la carte, mais faire un bout d'à travers tout pour retrouver un hypothétique chemin qui me mènera à bon port. Je balance un instant puis choisis l'à travers tout. Après avoir contourné une ferme, je passe la clôture d'un champ et vise le coin d'un bois dont je longe ensuite la lisière en espérant qu'un chemin prenne bientôt naissance de l'autre côté de la haie épaisse qui me sépare de la foret. Et le miracle s'accomplit. Le chemin, d'abord en très mauvais état, puis de plus en plus visible, apparaît, parallèle au champ, à l'intérieur du bois. Je finis par passer la clôture et me voici, tout guilleret et assez fier de moi, marchant plein pot et priant que le chemin ne me laisse pas tomber.

 

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Pause à la jonction avec la route suivie d'une longue portion de macadam. Au village suivant, je me ravitaille en eau. Petite causette avec le fermier qui remplit ma gourde. Traversée un peu fastidieuse de champs pour passer une crête, et retrouvailles avec les vignes. L'objectif du jour, le village de Baye, se rapproche. La dernière portion du chemin flâne à travers un beau bois puis rejoint une ancienne voie de chemin de fer qui me mènera à l'ancienne gare de Baye.

 

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Première tentative de trouver un gîte dans un magnifique château tenu par une communauté religieuse, de celles qu'on appelle nouvelles. La sœur qui me reçoit, en habit comme il se doit, est toute désolée, mais la maison est pleine. Devant mon incrédulité vu la taille de la bâtisse, elle se perd en explications que je n'écoute qu'à moitié. Faut-il le dire, quand je demande l'hospitalité, je ne fais jamais mention de ma qualité de prêtre. Si je suis accueilli, c'est comme pèlerin que je veux l'être et pas comme prêtre ou religieux. Heureusement, elle m'indique une autre communauté présente dans le même village, un foyer de charité, où je trouverai peut-être de quoi m'héberger. A mon départ, alors qu'elle s'avise de m'offrir un peu d'eau, je refuse gentiment, mais fermement. Une manière, un peu puérile et idiote, je l'avoue, de répondre à un refus par un autre refus. Je me demande si elle comprend le message !

 

Au foyer de Charité, par contre, l'accueil est immédiat. La dame qui m'ouvre me mène jusqu'à une chambre magnifique, équipée d'une salle de bain privée, excusez du peu. Puis elle m'invite à prendre le goûter avec le reste de la communauté. Une retraite commence ce soir et je pourrai partager leur repas et concélébrer la messe avec le prêtre qui accompagnera les retraitants. Voilà un programme qui me convient parfaitement.

 

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Après la douche, petite lessive. J'étends mes affaires à l'extérieur, sur une clôture en barbelé. Un groupe de jeunes, couchés dans l'herbe, devise joyeusement. Le prêtre qui anime la retraite, avec qui je concélèbre en début de soirée, a l'air d'un drôle de zigoto. Il pratique les effets oratoires avec une emphase qui me met presque mal à l'aise. Pourquoi en faire autant ? Ce n'est pas du théâtre ! Pendant le dîner, mon voisin de table entame une discussion à haute teneur philosophique. C'est un partisan convaincu du réalisme thomiste et il me plaît de prendre le rôle de l'idéaliste. Est-ce donc le monde qui informe notre esprit, ou l'esprit qui impose ses catégories au réel ? La discussion, un peu incongrue, nous passionne, mais nous isole également du reste des convives. J'attendrai la fin du repas pour en apprendre un peu plus sur mon autre voisine. Une dame d'origine africaine dont la sœur a fait le chemin de Saint-Jacques il y a quelques années. Le fait est suffisamment rare pour être mentionné, le continent africain étant à peu près totalement absent des chemins de Compostelle.

 

A l'issue du souper, je rentre dans mes appartements. Par la fenêtre, j'aperçois deux chevreuils qui broutent tranquillement dans la prairie de la propriété. C'est eux qui recevront, pour l'occasion, mes salutations du soir.

 

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