28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 14:17

 

Charmoye1Réveil tout en fraîcheur. L'herbe du chemin est couverte d'un léger givre et une petite brume plane entre les arbres du sous-bois. Le lever, dans ces cas-là, est toujours un peu gauche. Le corps n'a qu'une envie : rester blotti au chaud, ne pas bouger, profiter encore un peu. A la sortie du sac, les muscles se raidissent, les mouvements se font au ralenti. La passage par la case torse nu lors du changement de vêtements à tout d'une épreuve initiatique. Une seule solution : se secouer et bouger énergiquement pour se réchauffer.

 

Mes activités matinales se font sous le regard curieux d'une petite mésange nonnette qui sautille de branche en branche dans un des buissons qui bordent le chemin. J'aime cette compagnie désintéressée et gratuite. Elle vient de se réveiller et marque, par un chant discret, son territoire. A moins qu'elle ne célèbre la joie de débuter une journée nouvelle ? Est-ce vraiment céder au péché d'anthropomorphisme que d'imaginer cette mésange toute au frémissement de profiter des premiers rayons du soleil levant ? Pourquoi le règne animal ne serait-il réduit qu'au fonctionnel ? Il n'y a pas de raison que seul l'humain connaisse ces envolées émotionnelles qui remplissent de joie, de bonheur ou de tristesse. La vie ne vivrait-elle pas partout des mêmes élans lorsqu'elle reçoit en cadeau un jour nouveau, sa clarté, sa fraîcheur et le mystère de ce qu'il deviendra ? Dire que je me livre à ces réflexions philosophiques à cet instant serait exagéré. Pour le coup, je savoure simplement avec reconnaissance cette présence pépiante qui habite mon réveil. C'est l'hôte de cette forêt qui me souhaite une belle et douce journée.

 

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La marche commence par la traversée du bois de la Charmoye, fait de hautes futaies et de larges chemins forestiers. Tout est calme et serein, paisible. Les bruits de la forêt n'agressent ni l'oreille, ni l'âme, au contraire du grondement des voitures qui foncent sur la nationale, encore trop proche à mon goût. La nature ne connait que rarement le vrai silence. Au cœur d'une nuit sans vent peut-être. Car ce qu'on appelle silence se confond le plus souvent avec l'absence des bruits artificiels. Le vent dans les ramures, le chant des oiseaux ou le son d'un ruisseau caché sous les frondaisons, sont des sonorités d'une espèce différente de celles produites par les activités humaines. La musique naturelle ne fait pas de bruit. Elle pose, sur un silence fondamental, des touches sonores qui, loin de le détruire, en accentuent le relief.

 

Je me souviens d'une nuit dans un village africain. C'était l'heure intermédiaire où les bruits du jour se sont tus mais où ceux de la nuit ne s'élèvent pas encore dans l'obscurité. Il n'y avait, pour tout horizon sonore, que celui des voix humaines, issues des différents foyers où les villageois préparaient le repas du soir. Pour la première fois, je me trouvais dans un environnement totalement exempts de bruits mécaniques, artificiels. Aucun ronronnement, aucun grondement ou grincement continu ne venait couvrir le fond de silence sur lequel se détachait la musique des conversations humaines. On pouvait entendre, avec une clarté étonnante, les éclats de voix ou de rire, le crépitement des feux, les bruits de cuisine et identifier les différents foyers d'où ils provenaient. Mais ce qui me frappait par dessus tout, c'était le silence sous-jacent qui s'entendait en contraste. Ce matin, dans le bois de la Charmoye, ce ne sont pas les conversations qui révèlent le silence, mais les chants d'oiseaux et le son de mes propres pas.

 

Même le panneau habituel « propriété privée, entrée interdite » que j'ignore superbement ne trouble pas mon état d'esprit. J'imagine simplement ce que je répondrais au châtelain acariâtre qui me trouverait ce matin dans son bois. J'entonne le chant des psaumes. J'ai pris l'habitude de chanter à voix haute, lors de la première heure de marche, les psaumes que j'ai appris par cœur les soirs précédents. C'est ma manière de saluer la journée, de la confier au Seigneur et de m'ouvrir à tout ce qui pourra s'y vivre. J'achève à l'approche d'un bel étang dont aucun souffle de vent ne vient rider la surface. J'y prend une pause contemplative. C'est un véritable miroir et mon âme de photographe se réveille. Quelques clichés plus tard, je repars.

 

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