3 septembre 2013 2 03 /09 /septembre /2013 13:28

 

Je quitte sans regret le lit digne de ma grand-mère qui a absorbé pendant la nuit mes inquiétudes d'hier soir. Aujourd'hui, j'arrive à Saint-Jacques... pardon, à Saint-Jean-Pied-de-Port. Cela me semble tellement incroyable d'en être au terme de ma traversée de la France. Ce long tunnel dans l'inconnu qui débutait à Vézelay s'achève aujourd'hui. J'ai le sentiment très fort d'arriver à destination. L'Espagne ? Une dernière ligne droite ! Que pourrait-il encore m'arriver ? Il n'y a plus aucun doute dans mon esprit, Compostelle est à portée de main. Cette certitude me met dans une douce allégresse, l'allégresse de toutes les arrivées !

 

Le démarrage se fait dans la fraîcheur, même si la journée s'annonce chaude. Pour la première fois, la foule envahit le chemin. De toutes les auberges sortent des pèlerins qui s'ajoutent aux pèlerins pour former une longue file caquetante et oscillante au gré des différents rythmes de marche. Arrêt à une boulangerie pour le petit déjeuner. File de sacs à dos ! Pour un peu, je deviendrais agoraphobe. En une heure, j'ai vu plus de pèlerins que pendant les deux mois qui précèdent. Adieu solitude heureuse ! Je commence à comprendre certaines réflexions entendues la veille au soir à la table du souper. C'est le moment de me rappeler la devise que j'ai toujours essayé de respecter : « Accueille ce que le chemin donne, comme il le donne. » Et tout indique qu'il va changer radicalement de style.

 

Pour l'instant, il longe la grand route, parfois de loin, et parfois de très, très près. Les alpages de la vallée ont été fanés récemment et l'herbe qui sèche forme des veines qui irriguent le paysage. Un busard veille sur son poteau électrique. La lumière du matin enrobe tout de sa douceur. A la croix de Galzetaburu, Dieu seul sait comment ça se prononce, le chemin quitte la route pour passer par le village de Gamarthe.

 

j0603-01

 

j0603-02

 

j0603-03

 

C'est alors que, pour la première fois, je les aperçois. Non pas un, ou deux, mais des dizaines qui planent haut dans le ciel. Les vautours fauves ! Je suis fasciné par leur silhouette majestueuse et leur nombre. C'est comme s'ils se réunissaient pour tenir conseil en altitude. A côté d'eux, le milan noir qui plane en contre-bas ressemble à un moineau ! De moineaux, pas de trace, mais c'est un couple de Tarier pâtre qui m'accueille au village et m'indique la direction du robinet, bien caché dans le cimetière qui entoure l'église.

 

j0603-04

 

j0603-05

 

j0603-07

 

La suite du chemin s'éloigne heureusement de la route et prend un air plus bucolique. Pourtant, est-ce la chaleur qui monte, le nombre de pèlerins qui empêche toute solitude, ces quelques kilomètres jusqu'à Saint-Jean-le-Vieux me semblent interminables. Un pèlerin en vélo roule à peine plus vite que les piétons que nous sommes, nous dépasse, revient en arrière, se laisse rattraper puis nous dépasse à nouveau. Son manège m'intrique. Serait-il charger de surveiller le flot des pèlerins qui s'avancent ? Quand je lui pose la question, il éclate de rire et m'explique qu'il s'est fait mal au pied et accompagne ainsi en va et vient son groupe de marcheurs. Pourquoi pas !

 

Au village, c'est l'heure de la pause-midi. Tous les pèlerins s'attablent ici où là pour déjeuner. L'occasion rêvée de me séparer du lot ! Je prends un peu de repos dans l'église au style typiquement basque avec ses balcons en bois accrochés aux murs de la nef centrale. Je respire, prie un psaume, et repars. Cette fois, le chemin est sans pitié, longeant la route nationale sous le cagnard. Un paysan répare sa machine agricole dans le champs voisin. Il y a plus à plaindre que moi ! La bifurcation qui mène à Saint-Jean-pied-de-Port arrive enfin et je quitte la grande-route. Une petite chapelle m'accueille dans la fraîcheur de son ombre. J'y reste longtemps en compagnie d'une autre pèlerine qui prie sur le côté. Partager cet espace dans le silence d'un même recueillement crée entre nous une complicité qui se lit dans le regard qu'elle me jette au moment de quitter l'église. Je savoure encore quelques minutes ce repos bien mérité. Puis vient la dernière ligne droite qui mène à la porte Saint-Jacques.

 

j0603-06

 

j0603-08

 

j0603-09

 

Alors qu'elle apparaît après une dernière côte, un individu étrange, couvert d'une cape blanche sur laquelle ont été brodés des signes cabalistiques, me précède de peu pour la franchir. Encore un illuminé adepte de l'ésotérisme ! Pas étonnant dans ce genre de lieu ! Nos routes se croiseront pourtant régulièrement au fil de l'Espagne et à mon retour, je lirai sur la page facebook d'une autre pèlerine cette réflexion en forme de pied de nez aux préjugés : « Tout le monde connaît la cape, mais combien peuvent dire qu'ils ont rencontré l'homme ? »

 

j0603-10

 

Passage obligé au bureau des pèlerins. L'accueil est rapide et efficace. C'est la foule des grands jours. Puis direction le refuge où je m'installe rapidement avant de partir visiter la ville. Demain, jour de repos et de préparation au passage en Espagne. La vie est belle !

 

j0603-11

Partager cet article
Repost0

commentaires